L’autorité des Ecritures, la nourriture qu’elles dispensent

Cette contribution parle de l’autorité de l’Ecriture seule et de la manière dont elle nous fait connaître Christ.

Parler de la Bible pour des chrétiens issus de la Réforme, c’est parler d’un pilier fondamental de notre foi et de notre religion. Certes, cela est vrai pour la totalité des confessions chrétiennes mais d’autant plus pour la nôtre qui, avec son dogme ? l’Ecriture seule ? (Sola Scriptura), se doit d’assumer que ce dogme soit toujours présent, bien compris, et bien utilisé sous peine de trahir et perdre notre identité. Cette modeste contribution s’attachera donc à bien redéfinir le statut des Ecritures (de la Bible), sa place, et à orienter vers la nourriture que nous croyons qu’elles dispensent.
Dernière modification écrite le lundi 26 mai 2008

I - Le statut des Ecritures

En ce qui concerne le statut des Ecritures, il faut poser deux affirmations fortes et les garder toujours à l’esprit.

1) Les Ecritures (la Bible) ne sont pas la Parole de Dieu . Le statut de la Bible n’est, de ce point de vue, absolument pas comparable à la Torah juive ou au Coran musulman, car pour nous le texte n’est pas la Vérité. Seul Jésus-Christ est la Vérité. Les Ecritures ne sont pas la Parole de Dieu parce que seul Jésus-Christ est la Parole de Dieu et rien, pour nous, ne peut être mis au dessus de son Nom. Croire que la Bible est la Parole de Dieu, c’est risquer de faire de la Bible une idole, un dieu de papier.

2) Nous n’avons pas d’autre accès à la Parole de Dieu révélée une fois pour toute en Jésus-Christ que celui des Ecritures . En d’autres termes, personne n’a une autorité comparable pour nous parler de Jésus-Christ comme seule Parole de Dieu que les Ecritures. Aucune tradition, aucune révélation, aucun sentiment, aucune ascèse, aucune mystique, rien ne peut prendre pour nous la place des Ecritures pour être l’accès autorisé et privilégié à la Parole de Dieu qu’est Jésus-Christ.

En conclusion, les Ecritures ne sont pas la Vérité mais il n’y a pas de Vérité chrétienne possible et accessible en dehors de leur « épaisseur ».

Il peut sembler au premier abord que ces deux affirmations constituent un cercle vicieux : le Christ est le maître des Ecritures - il en est le centre et le cœur - et, en même temps, on n’a pas accès au Christ en dehors des Ecritures. Pour sortir de cet apparent cercle vicieux, la tentation est grande d’invoquer un troisième terme qui serve d’appui pour sortir de la circularité apparente du raisonnement. Ainsi est-il tentant, comme dans le catholicisme, de faire appel à la Tradition pour guider de l’Ecriture au Christ, ou d’invoquer comme les « évangéliques » le miracle de l’Esprit-Saint pour obtenir la révélation de leur union, ou encore comme le prétendent les traditions humanistes d’estimer que l’éclairage de notre raison et de notre intelligence permet de pénétrer leur articulation.

Or, pour les Réformés qui ont posé comme principe l’autorité de l’Ecriture seule (Sola Scriptura), ce troisième terme est inacceptable. Du reste, on ne manque pas de relever le danger de ce troisième terme qui permet de confisquer l’autorité des Ecritures pour la redonner soit à un clergé (catholicisme) avec toutes les dérives que l’on connaît, soit à un spécialiste du charisme (évangéliques) avec les dangers « sectaires » injustifiables qui en découlent presque systématiquement, soit encore aux sages et aux intelligents (humanismes), ce qui est contraire à l’Evangile lui-même.

On peut donc résumer le statut, la place, l’autorité des Ecritures par cette citation de Jean-Denis Kraege : « les Ecritures sont le seul accès à la Parole de Dieu (faite homme) parce qu’elles sont claires et que, lorsqu’en elles subsiste quelque obscurité, il convient de les interpréter à partir d’elles-mêmes (ou à partir de leur centre) ».

II - La manière dont les Ecritures nourrissent le chrétien

Si les Ecritures ne sont pas la Parole de Dieu mais que c’est le Christ qui l’est, et si le Christ n’est accessible qu’à travers les Ecritures, comment discerner existentiellement le Christ à travers les Ecritures afin de se nourrir de sa Parole et vivre de sa vie ?

La première chose à dire, c’est que le Christ n’est pas un simple personnage inconnu de la plus grosse partie de la Bible (l’Ancien Testament), uniquement décrit sous le prénom de Jésus dans quatre textes (les évangiles) et invoqué dans le reste des livres du Nouveau Testament (épîtres et Apocalypse). Nous croyons que le Christ est présent dans la totalité des Ecritures et que sa présence excède donc largement son existence narrative (c’est-à-dire les seuls textes où on parle de lui).

Nous parvenons à percevoir le Christ à chaque fois que nous arrivons à faire la distinction entre la Loi et l’Evangile.

La Loi c’est ce qui nous accuse, c’est ce qui fait de nous des êtres de culpabilité. L’Evangile c’est ce qui fait de nous des êtres justifiés, dignes, uniquement par la certitude que cela nous est déclaré : en Jésus-Christ, en effet, nous croyons être faits fils et fille de Dieu, donc bénéficiaires d’une parole paternelle qui nous donne ainsi une dignité imprenable, inconditionnelle.

La distinction Loi-Évangile n’est pas un simple dualisme : la Loi mauvaise d’un côté, l’Evangile bon de l’autre. En réalité, l’existence humaine oscille toujours entre deux tendances distinctes : l’une consiste à nous fabriquer nous-mêmes notre propre justification, à vouloir tout faire pour nous construire nous-mêmes notre identité (l’homme est ainsi en quelque sorte refermé sur lui-même) ; l’autre veut que nous acceptions de recevoir notre identité de la parole d’un Autre (l’homme est ici devant l’Autre qui lui donne sa parole).

La première tendance est créatrice de culpabilité, parce qu’en voulant fabriquer ma propre identité je ne cesse d’y travailler au lieu de vivre et, au fur et à mesure qu’inévitablement j’échoue sur cette voie, j’ai l’impression de ne rien valoir... et seule la culpabilité grandit. La seconde est créatrice de paix puisque mon identité m’est donnée, que je n’ai plus rien à prouver, et que je peux donc vivre dans le monde « gratuitement ».

Malheureusement, ce qui rend difficile la seconde tendance c’est qu’elle exige la foi - c’est à dire la confiance - puisque mon identité ne dépend plus de moi, de mon travail, pour me la construire, mais de la parole de Celui qui me déclare son fils. Ainsi, la seconde tendance exige de se déposséder, de manquer (mon identité - ce que je suis - n’est pas en moi mais elle m’est donnée d’un Père, je ne la possède donc pas, je la porte seulement). Et la Bible, forte de son expérience de l’humain, indique qu’une force immense (nommée le « péché ») nous retient de choisir la confiance.

C’est pourquoi à chaque fois que nous parvenons à distinguer (dans le texte biblique et dans nos vies) entre ces deux tendances de la Loi et de l’Evangile, nous pouvons être certains d’avoir été guidés par le Christ, d’avoir été nourris par Lui. Pour le dire simplement : les Ecritures nous nourrissent en nous permettant de voir dans nos vies la lutte que mène fidèlement le Christ à racheter, à libérer nos vies.

Thibaut Delaruelle



Eglise réformée de France - Région Nord-Normandie - Mentions légales
19, rue Jean Calvin - 80 000 Amiens
Tél/Fax. 03 22 91 83 84