Un mois en Zambie

Le pasteur Richard Taufer était en Zambie au mois de février 2007 dans le cadre de l’échange Nord/Sud. Lisez dans les lignes qui suivent son témoignage.

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Pasteur Sikaundi
Dernière modification écrite le mardi 10 avril 2007

Un mois en Zambie, avec le Pasteur Taufer Lorsque j’ai annoncé que j’allai participer au programme d’échange Nord-Sud entre pasteurs, les questions n’ont pas manqué : beaucoup des mes amis, de mes paroissiens voulaient savoir en quoi consistait cet échange. Pourquoi aller en Zambie et non dans un pays africain mieux connu de la France ? A mon retour, je vais essayer de répondre à ces questions.

Où est-ce donc, la Zambie ? Bien des Français ont du mal à situer ce pays du premier coup sur la carte d‘Afrique. Il est pourtant grand comme une France et demi ! En Europe nous en parlons peu. Ce n’est pas forcément mauvais signe : lorsque un pays d‘Afrique apparaît aux informations, c’est trop souvent qu‘il est confronté à une guerre ou à une autre catastrophe menaçant ses populations. La Zambie est située dans la partie sud de l’Afrique, entre la République Démocratique du Congo et la Tanzanie au nord, le Botswana et le Zimbabwe au Sud. A l’ouest, l’Angola, à l’est le Malawi. Pas de frontière maritime, mais plusieurs fleuves et grands lacs en dessinent les frontières. Depuis son indépendance, en 1964, la Zambie a connu des afflux de réfugiés (de Namibie en 2000 par exemple), mais pas de guerre civile ni territoriale majeure. C’est un pays qui compte parmi les plus pauvres de la planète. En accédant à l’indépendance, cette ancienne colonie anglaise de Rhodésie du Nord à pris le nom du grand fleuve Zambèse qui représente sa frontière Sud. A ce titre, les fameuses chutes Victoria font à moitié partie de la Zambie. Beaucoup de touristes européens et américains s’y rendent pour admirer ce spectacle grandiose offert par la nature. La Zambie dispose de grand parcs naturels de plus en plus exploités pour le tourisme. Dans le Nord du pays on trouve le Copperbelt, une région riche en minerais de cuivre. Le cuivre a fait pendant un certain temps la fortune du pays mais avec la chute des prix dans les années 1970, et à cause d‘une politique économique discutable, le pays a été confronté à une inflation dramatique de sa monnaie, avec, à la clé, un appauvrissement important de sa population. L’infrastructure reste dans un état déplorable, mais d‘enormes efforts sont faits à tous les niveaux pour sortir le pays de sa pauvreté. Le prix du cuivre a remonté mais l‘état encourage maintenant l’installation et au développement d’autres industries, ainsi que le commerce, et en particulier le tourisme. Il s’agit par tous les moyens de diminuer le taux de chômage toujours préoccupant. La paroisse qui m’a accueilli serait représentative de la situation globale du pays.

Comment avez vous été hébergé ?

J’ai été accueilli dans une paroisse située a 50 km au sud de la capitale, Lusaka. Le nom de la ville ? Kafue. En fait, il s’agit d‘une agglomération de nombreux villages et hameaux plutôt qu’une ville à l‘occidentale. J’ai logé à l‘emplacement d’une ancienne mission méthodiste. Aujourd’hui, on y trouve une école, un pensionnat de l’Eglise Unie de Zambie. Le Pasteur qui a été mon correspondant donne des cours d’histoire dans cette école, et sa paroisse va bien au delà du territoire du collège. Actuellement il n’y a que deux pasteurs dans le consistoire qui comprend une dizaine de communautés. Le pasteur ayant un salaire très modeste et une nombreuse famille, j’ai dû être hébergé par la sous-directrice de l’école. Son mari, directeur d‘une usine de chaussures, est trésorier du consistoire de Kafue pour l’Eglise Unie de Zambie (UCZ). A ce titre, il est responsable des bâtiments, mais aussi des compléments de salaire des pasteurs. Il faut savoir qu‘un pasteur de l’église unie de Zambie ne gagne que 50 euros par mois. Les paroissiens ou, comme c’est le cas à Kafue, le consistoire, rajoutent donc un peu d’argent, quelques vivres ou des produits de première nécessité pour lui permettre de subsister avec sa famille. Au total, les pasteurs du consistoire de Kafue doivent disposer de l’équivalent de 100 Euros par mois, ce qui est maigre ! Ils ont droit à une petite maison et à un terrain où cultiver du maïs et des légumes. Ils y élèvent aussi quelques poulets pour avoir de temps en temps un peu de viande dans l’assiette. A ce que j’ai vu, le niveau de vie du pasteur n’est pas du tout différent de celui de la majorité de ses paroissiens. La plupart des paroissiens, eux, n’ont pas de travail régulier. Leur seule ressource pour ne pas mourir de faim, ce sont les champs de maïs qui fournissent le nshima , un bouilli fait de farine et de l’eau, qu’ils agrémentent de légumes, parfois de viande et souvent de rien du tout. Il m’est arrivé à plusieurs reprises d’animer des études bibliques au seuil de maisons dont les habitants ne possédaient aucun meuble. Tout le monde était assis par terre, sauf le révérend blanc ! On lui avait trouvé, je ne sais pas où, une chaise. Vous imaginez ma gêne de trôner sur une chaise, entouré de gens souvent plus âgés que moi assis par terre. Mes hôtes m’ont fait comprendre qu’ils auraient été très gênés que je refuse la chaise pour m’asseoir par terre avec eux : c’était la coutume d’accueillir ainsi l‘invité. J’ai donc dû trôner !

Parle-t-on français en Zambie ?

Non , les gens parlent bemba, tonga, nyanja, lozi ainsi que d’autres dialectes qui font partie de la vaste famille des langues Bantu. Bien qu’apparentées, ces langues sont aussi différentes l’une de l’autre que le français, le catalan ou l’italien. La langue administrative du pays reste l’anglais. A la radio et à la télévision, l’anglais est partout. Certaines écoles proposent pourtant des cours de français, et de temps en temps j’ai pu rencontrer des Zambiens qui parlaient un excellent français appris sur place, dans de très bonnes écoles zambiennes.

Les Eglises gèrent donc également des écoles ? Oui, Kafue Boys Secondary School est un collège pour garçons avec internat. L’Eglise Unie de Zambie en gère six : deux pour garçons, deux pour filles et deux externats. Kafue Boys school à été conçu pour 400 élèves mais actuellement, il y en accueille 860. Dans chaque dortoir cohabitent plus de 40 enfants. A la cantine, les enfants mangent debout autour des tables : iI n’y a pas de place pour des bancs ou des chaises. L’école a pourtant une exellente réputation, en raison de la qualité de l’enseignement, et ce malgré des conditions matérielles très modestes. Le français y est également enseigné. Pendant mon séjour, on m’a confié une classe de débutants. Pour moi, une expérience intéressante : l’enseignement sans aucun livre demande beaucoup de créativité de la part du professeur . Mon correspondant, le Pasteur Lloyd Sikaundi prend d‘ailleurs des cours de français en ce moment, en vue de son séjour en France.

Comment se fait-il que la Zambie participe au programme d’échange du Defap ?

L’Eglise unie de Zambie est issue de l’union entre les églises méthodistes d’origine anglaise, de missions de l’Eglise presbytérienne d’Ecosse et aussi de l’église protestante de Barotseland, une province à l’ouest du pays. Cette dernière a été fondée par la Mission de Paris. L’Eglise Unie de Zambie, en anglais United Church of Zambia (UCZ) est très attaché à ses origines. Le nom du missionnaire français François Coillard est mentionné dans tous les livres d’histoire du pays. L’UCZ est fier d’être membre de la CEVAA, une communauté de 34 églises pour la plupart francophones, au nord et au sud de la planète, qui ont pour mission de vivre la communion de l’Eglise Universelle. L ‘UCZ en est une des rares Eglises non francophones de cette communauté d’Eglises. Les Eglises de la CEVAA ont déjà réalisé plusieurs projets en Zambie, en particulier la construction d’un canal pour faciliter le transport des personnes et de biens dans une région située à l’ouest du pays, là où le réseau routier est quasiment absent.

Y a-t-il donc beaucoup de protestants en Zambie ?

Oui, vraiment beaucoup. Ils fréquentent les églises de multiples dénominations, d‘obédience protestante. Parmi celles-ci, l’UCZ est la plus importante pour ce qui est du nombre des membres, actuellement en croissance. Et pourtant , l’UCZ n’est que la deuxième Eglise après l’Eglise Catholique qui a augmenté son influence en Zambie ces dernières années et qui attire un grand nombre de chrétiens La Zambie se comprend comme une nation chrétienne. La religion fait partie de la vie publique. Pour un Zambien il n’est pas du tout choquant qu’une réunion de travail même dans l’industrie ou à l‘école commence par une prière. J’ai constaté que la grande majorité de la population est croyante et attachée à une religion. Je n’ai rencontré aucun africain qui se déclare agnostique. A mon retour, dans l’avion j’étais assis à coté d’un français travaillant pour la banque mondiale à Lusaka. ll m’a raconté que même pour les banquiers, les réunions de travail commencent par une prière. Un jour alors que nous déjeunions à plusieurs à Lusaka dans un self-service, mon collègue pasteur a remercié Dieu à haute voix pour le repas et il a prié, entre autre pour le personnel et la prospérité du restaurant. Aussitôt après la prière les employés le remerciaient, et j’ai eu l’impression que l’ambiance dans le restaurant avait changé dans le bon sens. Un soir à la télévision zambienne j’ai pu entendre le ministre de l’intérieur encourager les églises à critiquer de manière constructive les gouvernants et toute la classe politique. J’ai par ailleurs entendu des critiques venant de responsables d’églises qui craignent qu’un lien trop étroit avec la politique menace leur liberté et favorise les oppositions entre les très nombreuses églises et groupements chrétiens qui diffèrent déjà beaucoup dans leur enseignement et leurs pratiques religieuses, mais aussi vis à vis de graves questions de société : prévention du Sida et „morale sexuelle“. Les musulmans et les hindous sont, biensûr, respectés dans leur foi et leur pratique, mais pour obtenir une fonction importante au gouvernement un chrétien est bien mieux placé qu’un non-chrétien. Le citoyen zambien, chrétien ou non, est lié à une religion. Dans les discussions avec des amis Zambiens j’ai ressenti un certain étonnement quand j’ai tenté de leur faire comprendre l’idée de laïcité. Au cours des entretiens je me suis rendu compte que la question de la place de la religion dans la société préoccupe beaucoupi nos amis de l’outre équateur. Leur discours s’appuie bien-sûr, sur l’expérience d’une société à forte tradition religieuse.

A quelles activités paroissiales avez vous participé ?

Les cultes dominicaux d’abord : un à 8h du matin, en anglais, un deuxième à 10h dans la langue locale. La fréquentation est importante. Beaucoup de jeunes gens aux cultes. Le rôle du pasteur ? Donner la prédication et présider à la Sainte Cène. Pour le reste, la liturgie est entièrement assurée par les paroissiens. Un conseiller coordonne le déroulement et demande aux personnes de prendre en charge prières et lectures à haute voix. Les prières ne sont jamais lues mais spontanées. La communauté chante deux ou trois cantiques et les chorales se chargent du reste de la musique. Les dimanches, je prêchais aux deux cultes. Le dimanche après midi, les études bibliques se déroulent à domicile dans les différents secteurs de la paroisse. Elles sont animées par les membres de l’Eglise. En tant que visiteur, j’avais l’honneur de donner la méditation. Les échanges avec les paroissiens qui s‘en suivaient étaient toujours très engagés et très riches. Les gens me posaient des tas de questions sur la vie des églises et la place de la religion en Europe occidentale. Ne disposant pas de véhicule nous passions énormément de temps sur les sentiers, entre les champs de maïs et la brousse, pour atteindre les paroissiens jusqu’à leur domicile. Parfois on marchait pendant une heure. Sur le chemin on rencontrait souvent d’autres membres de l’église ce qui donnait l’occasion de bavarder. Les études bibliques sont une des actions principales de la paroisse. Elles ont lieu aussi en semaine. Dans toutes ces activités ( visites, études bibliques, groupe de jeunes, etc...) la prière spontanée joue un rôle absolument central. Dans chaque paroisse existe un groupe de WCF (women’s christian fellowship), un mouvement de femmes qui se sont donné pour mission le ressourcement spirituel et le service diaconal au sein de la paroisse. Avant d’être admises dans le mouvement , ces femmes suivent d’abord une formation catéchetique et elles signent une charte selon laquelle elles s’engagent à participer aux activités de la paroisse, à étudier régulièrement la parole biblique, à vivre selon les valeurs chrétiennes, à rendre service et à porter assistance là où cela est nécessaire. Pour les activités paroissiales, ces femmes portent un uniforme. Elles se retrouvent régulièrement pour chanter, prier et étudier la bible. Elles visitent systématiquement les membres de l’église et avertissent le pasteur si une visite ou un suivi pastoral est demandé. Le WCF organise la solidarité pour des personnes en détresse aussi bien matérielle que spirituelle. Dans l’église Unie de Zambie, il existe aussi un mouvement semblable regroupant des hommes, mais il tourne beaucoup moins bien que le WCF. Chaque paroisse a un responsable pour le travail avec les jeunes. La pauvreté et le chômage font que de plus en plus de jeunes se réfugient dans l’alcool et la délinquance. Le taux de criminalité est préoccupant, même dans les régions rurales. Les paroisses essayent de monter des projets pour occuper les jeunes sans travail, de leur fournir une petite formation artisanale ou agricole afin de leur donner la possibilité de gagner un peu d’argent. Les jeunes que j’ai rencontrés dans les paroisses se retrouvaient surtout dans les chorales, ou dans les équipes de louanges. Ces groupes leur donnent l’occasion de se retrouver entre eux et d’échanger sur les sujets qui les intéressent. La prévention du Sida est un des sujets qui les préoccupe le plus.

Les dirigeants de l’Eglise de Zambie se sont-ils intéressés à l’échange des pasteurs ?

En tant que visiteur et représentant d’une autre église, j’ai bien sûr été amené à rencontrer les dirigeants de l’église Unie de Zambie. Le Synod-bishop ainsi que le secrétaire général m’ont reçu un samedi matin dans leur bureau à Lusaka, mais le temps de cette rencontre a été bref : ils avaient un programme très chargé qui consistait d‘après ce que j’ai compris à régler des problèmes relationnels entre pasteurs dans une région éloignée.On retrouve là l’Eglise universelle aussi avec tous ses problèmes. J’ai par contre eu l’occasion de m‘entretenir plus longuement avec le bishop Chibuye, président de la région ecclésiale de Lusaka dont fait partie le Consistoire de Kafue. Le sujet de notre entretien ? Le projet de partenariat entre la région Nord-Normandie de l’ERF, du Wessex Synode de l’Eglise Réformée d’Angleterre et sans doute de la région de Lusaka de United Church of Zambia. Une délégation anglaise du Wessex s’est déjà rendue en Zambie au mois de janvier dernier. Nous nous sommes convenus que dans les mois qui viennent les trois Eglises se mettent a discuter de ce projet d’échange et du partenariat à développer entre nos églises. Tous les déplacements en Zambie sont difficiles : les routes goudronnées sont rares et souvent en très mauvais état. Peu de gens possèdent une voiture. J’ai tout de même eu l’occasion de me rendre à Lusaka deux fois pendant mon séjour. La première fois pour rencontrer les responsables de l’Eglise, la seconde pour faire connaissance de la faune africaine : deux zèbres, un éléphant et quelques lions qui m’attendaient au zoo de la capitale. Mes hôtes tenaient à me faire faire cette visite. Il m’ont également fait visiter les chutes du Zambèse à Livingstone, ce que fut un moment inoubliable de ce voyage. Mon séjour s’est déroulé vers la fin de la saison de pluie. Il faisait chaud et très humide aux bords de la rivière Kafue. Les moustiques étaient voraces ! Dans plusieurs régions du pays, pendant cette saison, des inondations ont été résponsables de noyades et de pertes de troupeaux entiers, ainsi que de la déterioration où de la perte de précieux materiels. La région de Kafue, elle, n’a pas été sinistrée. Et votre bilan personnel ?

En ce qui me concerne, j’ai vécu un mois très riche en terme d‘échange et de partage. J’ai constaté avec plaisir que j’étais encore capable de m’adapter à des situations inhabituelles et à un confort spartiate. J’ai mangé comme tout le monde avec les mains. J’ai apprécié les chenilles grillées et divers autres spécialités du pays. Je me suis bien battu avec les moustiques. Je n’ai pas oublié de prendre mes antiparasitaires. J’ai prêché en anglais . Bref, des expériences passionnantes ! L’absence de tout véhicule, la marche à pied, les rencontres sur le chemin, et le renoncement à tout horaire précis ( j’étais bien le seul à posséder une montre), tout cela m’a fait beaucoup de bien. Malgré un certain fondamentalisme dans l’enseignement catéchétique j’ai rencontré énormément de gens à l’esprit très ouvert. Les échanges étaient toujours extrêmement riches. En tant qu’européen j’avais parfois du mal à saisir la portée de certaines réflexions : des idées d’obsession et de possession par les esprits mauvais, par exemple. La superstition est une réalité non pas d’Afrique mais de partout. La bonne nouvelle du Christ libérateur est la meilleur parole contre toutes ces superstitions, celles de là-bas comme celles d‘ici. J’ai pu constater que malgré les différences de culture, du vécu spirituel, de mode et de niveau de vie, les questions essentielles des hommes et des femmes d‘Afrique sont les mêmes que les nôtres. Je me réjouis d’avance de la visite du pasteur zambien dans le Consistoire de Haute Normandie et des échanges entre Nord et Sud qui s’en suivront au sein de nos paroisses.

Pasteur Richard Taufer


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