Les gestes qui parlent : la Cène

Que faisons-nous quand nous rompons le pain ?

les différentes dimensions théologiques de la Cène
Dernière modification écrite le mercredi 3 septembre 2008

Une réflexion de Jan Albert Roetman

Lors du synode régional de l’Eglise réformée en Nord/Normandie de 1999,les églises ont discuté autour du thème : " les gestes qui parlent : Cène, baptême, signes ". A travers nos pratiques différentes le synode a souhaité discerner ses convictions communes. Les débats étaient riches et ont placés nos églises devant les enjeux théologiques. Où en sommes nous quand nous abordons la question de la Cène ? Dans la suite je distingue 4 dimensions qui, à mon avis, méritent d’être réfléchies pour mieux cerner la signification de la Cène dans le contexte d’aujourd’hui.

La dimension sotériologique

La réforme a toujours considéré le sacrement comme un signe visible de la promesse de Dieu, proclamée dans la prédication. Saint Augustin a déjà dit que le sacrement est la parole visible de Dieu. Avant tout, le sacrement veut rendre présent la mort et la résurrection du Christ en vue du salut de tous. L’oeuvre salvatrice du Christ forme le centre de tout sacrement. Pour cette raison les protestants relativisent le rôle de l’Eglise car ce n’est que par la foi que le salut s’offre en Christ. Pourtant, nous ne pouvons pas négliger le rôle de l’Eglise et question se pose : Quel est le mandat de l’Eglise en tant que institution de transmission de la Parole, dans la célébration des sacrements ?

La dimension ecclésiologique

Le grand théologien suisse Karl Barth avance l’idée que l’Eglise est entièrement incorporée dans le Christ, mais le Christ n’est pas entièrement incorporé dans son Eglise. Autrement dit : Il n’y a pas d’identification possible entre le Christ et l’Eglise, elle ne possède pas la grâce. L’Eglise est totalement dépendante du don de l’Esprit qui nous fait participer à l’oeuvre du Christ dans le monde.

De plus, le sacrement est habité par la promesse que le Seigneur n’abandonnera pas son Eglise (Matt.28,20b). Cette proximité est transmise par ceux et celles, reconnus par l’église, qui annoncent et représentent cette Promesse du Christ d’être avec nous. Le rôle de l’église est important dans la mesure où elle représente la promesse de proximité de son Seigneur dans la durée, dans le temps et dans l’histoire tout en sachant que le salut ne se limite pas à elle. Car le salut biblique est d’abord offert au monde entier.

La dimension eschatologique

Les sacrements sont d’abord des signes du Royaume de Dieu à venir. Ils anticipent le repas eschatologique (à la fin du temps) quand la justice et la paix seront partagées par tous les peuples de la terre (Es.25, 6-8). Cette dimension eschatologique du sacrement de la Cène, et la découverte de la théologie du Royaume de Dieu nous libèrent d’une approche purement individualiste du sacrement. Dans cette perspective, l’église est appelée à rayonner quelque chose de ce Royaume à venir dans sa pratique de tous les jours.

Par là, le sacrement reçoit une orientation éthique et prophétique en devenant un symbole de protestation pour un monde réconcilié.

La dimension symbolique

Cela nous amène à une quatrième dimension , qui nous renvoie au-delà de l’église et de l’individu vers une dimension sociale et communautaire du sacrement. Car le pain et le vin sont des symboles qui ouvrent la porte à toute vie en relation avec son créateur (la création). Ainsi le pain rompu et le vin partagé articule l’expérience concrète et matérielle de chacun et de chacune qui vit au milieu des déchirures de ce monde. Et c’est dans cette ambiguïté qui traverse toute la création (rupture et partage) que le sacrement se faufile afin d’orienter notre vie vers la promesse et vers le mystère de la croix et de la résurrection du Christ. Autrement dit, le sacrement nous enracine dans la terre comme lieu d’espérance. La dimension symbolique est indispensable pour souligner la pertinence du sacrement dans notre culture d’aujourd’hui.

Le débat autour de nos sacrements ne peut pas se réduire à une des ces quatre dimensions. L’une complète l’autre. Le salut en Christ comme événement central de la Cène (1) s’accompagne par la Promesse transmise en église (2) qui garantie la continuité du témoignage dans le temps. Le témoignage de l’Eglise vise par contre le Royaume à venir (3) à travers tous nos actes profanes (boire, manger, partager) qui touchent la totalité de la vie (4) jusqu’au jour ou Dieu sera tout en tout. (Col.3,11)

* source : Martien E. Brinkman, Towards a common Understanding of the Sacrements, Louvain Studies 23 (1998)

Jan Albert Roetman


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