La Prière pour les malades

Antoine Nouis propose une réflexion pour nourir notre prière pour les malades

Dernière modification écrite le samedi 1er décembre 2007

La prière pour les malades Une réflexion d’A. Nouis sur la base d’un document à destination du Conseil National de l’ERF

Il y a un malaise dans nos Églises autour de la question de la guérison, dû probablement au manque de réflexion théologique. Il est symptomatique que dans le livre sur l’accompagnement des malades : Il fit chemin avec eux, publié aux Bergers et aux Mages en 1991 par la Fédération Protestante de France, sur 158 pages, rien n’est dit sur la prière avec les malades, ni sur l’imposition des mains, la cène ou l’onction d’huile, ni sur la guérison.

Pour lancer le débat, je propose le plan suivant :

1- Des malades et de la maladie

2- La guérison dans le Nouveau Testament

3- Les signes à notre disposition

4- Les expériences autour de nous

5- Remarques conclusives, personnelles et subjectives

1 - Des malades et de la maladie

Bibliquement, la maladie relève de la catégorie du péché, en ce qu’elle est un des signes de l’altération de la relation de l’humanité avec Dieu. Non pas que le malade soit automatiquement responsable de sa maladie (bien que cela puisse arriver pour le gros fumeur qui a des problèmes bronchitiques ou dans le cas du conducteur éméché qui percute un mur au volant de sa voiture aux pneus lisses), mais en ce qu’elle est un désordre par rapport à la volonté divine manifestée dans les textes de création, au même titre que l’injustice ou la violence. Les prophètes ne s’y sont pas trompés qui ont décrit les temps messianiques comme un temps où : Il n’y aura plus de nourrisson emporté en quelques jours, ni de vieillards qui n’accomplisse pas ses jours. Le plus jeune mourra centenaire, et le plus malchanceux, c’est aussi centenaire qu’il deviendra moins que rien (Es 65.20).

En disant cela, nous n’inscrivons pas le péché dans le registre de la faute, mais de ce qui est contraire à la volonté de Dieu. Inscrire la maladie dans la catégorie du péché revient à dire que Dieu est pour l’humain contre la maladie et non avec la maladie contre l’humain. On se souvient de la réponse de Jésus à ses disciples qui lui demandent pourquoi un homme est né aveugle (est-ce à cause de son péché ou à cause du péché de ses parents ?) : Ce n’est ni à cause de son péché, ni à cause du péché de ses parents. Il est aveugle pour que l’¦uvre de Dieu puisse se manifester en lui (Jn.9,1-3). Jésus libère notre regard fixé sur les causes, pour que nous apprenions à repérer les signes de son Royaume dans l’aujourd’hui de notre temps.

Georges Crespy a bien résumé la question en affirmant : La maladie est le fruit et la manifestation du péché sans être nécessairement l’effet d’une faute.

Cela étant dit, affirmer que le mal appartient à la catégorie du péché nous conduit à penser la maladie, non comme un simple dérèglement physiologique, mais comme une affectation qui concerne la totalité de la personne. Bibliquement nous ne pouvons pas définir la santé, comme on a pu le faire autrefois, en disant qu’elle est « la vie dans le silence des organes ». Nous nous sentons plus proche de la définition de l’Organisation Mondiale de la Santé qui la considère comme « un état de complet bien-être physique, mental et social ». Dans l’évangile, la guérison est souvent articulée avec le pardon, la reconstruction, et la réintégration. La médecine moderne considère de plus en plus la personne et la maladie dans une perspective holistique.

Enfin la maladie est souvent l’occasion d’un questionnement spirituel décapant. Dans notre monde où les hommes construisent leur vie sur le travail, l’avoir et le paraître, en vivant dans le bruit et l’agitation, la maladie est une crise qui oblige à un arrêt, et qui conduit à l’humilité. Elle pose, parfois violemment, la question fondamentale du sens de l’existence, question qui a souvent été éludée par peur ou par paresse. Comme le dit Vaclav Havel : « Il nous faut parfois tomber jusqu’au fond de la misère pour reconnaître la vérité, de même qu’il faut descendre au fond du puits pour apercevoir les étoiles ». Dans la maladie nous sommes confrontés à la fragilité de notre vie qui nous renvoie à la pauvreté évangélique.

La présence de l’Eglise auprès des malades ne relève donc pas de la simple diaconie, mais de sa vocation fondamentale. Le ministère de visite auprès des malades permet souvent une rencontre authentique. On arrive plus facilement à dépasser la simple cordialité pour entrer dans une relation vraie, une relation d’homme à homme, de pauvre à pauvre, de mendiant de la grâce à mendiant de la grâce... expérience rare et précieuse !

2 - La guérison dans le Nouveau Testament

Une évidence saute aux yeux, dès la première lecture des évangiles, c’est l’importance des récits de guérisons. Ils occupent 1/5ème de l’évangile de Marc, soit autant que les récits de passion, et on connaît l’importance de ce dernier thème dans la théologie du 2ème évangile ! C’est d’autant plus remarquable que cet évangile, plus court que les autres, s’en tient à l’essentiel (par exemple il n’évoque pas les récits de l’enfance qui ne sont pas nécessaires à sa théologie). Sur le rôle de ces miracles, Alphonse Maillot a écrit : On pourrait se demander si le Christ de Marc n’entreprend pas avec les miracles une sorte d’immense programme de désaliénation systématique. En parodiant Ga.3,28, on peut dire qu’après cette campagne de miracles du Christ, il n’y a plus ni jour sacré, ni lieu sacré, ni lépreux, ni femme, ni aveugle, ni infirme, ni prêtre, ni possédé... car ils sont tous un en et par Jésus Christ... Jésus en mourra, parce que tout cela n’est pas resté parole, au sens de purs discours, mais parce que cela a été, au moins en quelques occasions, signé et signifié par un fait, qui, comme tout fait, est irrécusable. Il semble certain, par exemple à propos du sabbat, que d’autres rabbins avaient déjà rappelé que l’homme était plus important que le sabbat, mais aucun n’en était mort. Selon Maillot, le miracle est donc constitutif d’un Evangile qui s’adresse à la totalité de la personne, et qui conteste radicalement les enfermements sociaux.

Jésus n’a pas fait que guérir, il a aussi associé les disciples à son ministère. Lorsqu’il a envoyé ses disciples en mission, il a associé évangélisation et guérison : Allez, prêchez que le règne de Dieu est proche. Guérissez les malades, ressuscitez les morts, purifiez les lépreux, chassez les démons (Mt 10.7-8). L’évangile de Marc rapporte la mission des apôtres de la façon suivante : Ils prêchaient la repentance, ils chassaient beaucoup de démons, oignaient d’huile beaucoup de malades et les guérissaient (Mc 6.13). Le ministère de guérison n’est pas une exclusivité du Christ, il l’a partagé avec ses disciples.

Dans les Actes des Apôtres, nous voyons la première Eglise poursuivre dans la voie ouverte par les évangiles. Depuis Pierre qui guérit l’infirme de naissance à la belle porte du Temple (3.6), à Paul qui guérit la père de Pulbius de la dysenterie dans l’île de Malte (28.8), les apôtres ont associé la prière de guérison à la prédication. Les disciples étaient conscients d’être porteurs d’une parole qui avait une puissance de renouvellement sur la totalité de la personne. Cela étant dit, il faut marquer aussi les réserves des évangiles face à l’ambiguïté du ministère de guérison.

Dans le récit de tentation, nous voyons Jésus résister contre la parole du diable qui lui proposait d’asseoir son autorité sur le miracle (Mt 4, et Lc 4). Quel que soit notre regard sur l’historicité de ce passage, nous pouvons penser que cette tentation est récurrente, tout au long du ministère de Jésus.

Jésus a refusé de faire des miracles chaque fois que cela lui était demandé pour manifester sa puissance. Jésus a parfois recommandé aux malades qu’il a guéris d’être discrets sur ce qui leur est arrivé, et de ne pas parler de leur guérison.

Cette discrétion attire notre attention sur les dangers à trop insister sur la guérison, au risque d’occulter le c¦ur du message.

Cette ambivalence de la guérison dans les évangiles nous invite à avoir une position nuancée sur la question. Je comprends l’envoi des disciples comme un appel à prier pour les malades, et les réserves vis à vis des guérisons comme une prudence par rapport à cette pratique. Je vous propose de nous arrêter maintenant sur les signes qui sont à notre disposition pour voir comment ils s’inscrivent dans cette ambivalence.

3 - Des signes qui sont à notre disposition

A l’heure où notre Église conduit une réflexion sur les signes et les sacrements, il me semble que cette question est particulièrement pertinente pour les malades auprès de qui les signes ont une importance particulière.

Trois signes sont à notre disposition pour accompagner la prière pour les malades : la cène, l’imposition des mains, et l’onction d’huile.

La cène Le partage de la cène avec les malades est probablement la pratique la plus courante dans notre Eglise. La liturgie verte propose une liturgie de Sainte Cène spécifique pour la visitation d’un malade ; mais elle ne fait pratiquement aucune allusion à la guérison.

Dans l’épiclèse elle dit une phrase qui peut être comprise dans le sens de la guérison : Purifie-nous, et renouvelle en nous ton pardon et ta grâce. Fais-nous vivre de la vie du Ressuscité : qu’il demeure en nous et nous en lui !

Dans la prière d’action de grâces, elle insiste sur la présence du Christ aux côtés du malade : Donne-nous la certitude que rien au monde : ni la mort ni la vie, ni aucune puissance, ne peut nous séparer de l’amour que tu as témoigné en Jésus-Christ ! Et toi, ô Christ, qui connais nos chemins douloureux, qui y a marché le premier et qui y marche encore avec nous, ta présence nous rassure, ta parole nous encourage, ta compassion nous apaise. Reste en nous, demeure en nous.

La cène a l’avantage de centrer le signe qu’elle porte sur la personne du Christ, et particulièrement sur sa passion, et de se vivre explicitement en communion avec la communauté de l’Eglise. Elle a le défaut majeur de ne pas pouvoir être partagée dans toutes les circonstances, dans la mesure où elle nécessite que le malade soit en mesure de consommer le pain et le vin (je ne trouve pas que de faire passer le vin dans un gobelet médical en plastique blanc avec une pipette soit liturgiquement très heureux !)

Cela dit, on pourrait écrire une liturgie de Sainte Cène plus spécifique aux malades. J’aime la proposition de la communauté de travail des commissions romandes de liturgie qui dit : Seigneur Jésus, c’est confiants en tes promesses de vie que nous nous adressons à toi. Dans ton immense amour, viens nous visiter. Par ta Parole, fortifie-nous dans notre faiblesse, et par le sacrement de ta présence, renouvelle en nous la certitude que tu peux nous guérir, dans notre corps et notre esprit. Exauce-nous, toi qui règnes avec le Père et le Saint Esprit.

L’imposition des mains

Tous ceux qui ont un ministère de visite auprès des malades connaissent l’importance du toucher pour communiquer, notamment au moment où les mots deviennent maladroits pour dire la compassion. Comme le dit la communauté de travail des commissions romandes de liturgie : Imposer les mains, c’est toucher l’autre, aux deux sens de l’expression, et lui communiquer quelque chose à la fois de soi-même et de plus grand que soi. Par l’imposition des mains, l’Eglise assure le malade de son appartenance au Seigneur et signifie par ce geste l’amour que Dieu a pour lui. Une amie, atteinte d’une maladie chronique, avec qui je partageais cette réflexion me disait : à notre époque on s’embrasse quatre fois furtivement... mais on a très peu de gestes de compassion qui marquent la mémoire du corps parfois plus qu’une parole.

La liturgie de l’Eglise Evangélique Luthérienne de France fait précéder cette imposition de la promesse liée à la prière : Demandez et l’on vous donnera, cherchez et vous trouverez, frappez et l’on vous ouvrira. Car quiconque demande reçoit, celui qui cherche trouve, et l’on ouvre à celui qui frappe (Mt 7.7-8) Au moment de l’imposition des mains, la demande de guérison est explicite : Le Seigneur est avec vous. Qu’il étende lui-même sa main sur vous. Qu’il vous fortifie dans votre corps et dans votre esprit.

Le signe évoque la bénédiction, la compassion et la communion, mais il n’est pas explicitement « christique ». Ma réticence à son égard vient de son ambiguïté à l’heure où se multiplient les magnétiseurs et guérisseurs de tous poils qui pratiquent l’imposition des mains. Comment dire que l’imposition des mains n’est pas du même ordre que la transmission d’un fluide magnétique ou d’ondes vibratoires ?

L’onction d’huile

Dans le Premier Testament, l’onction d’huile est considérée comme un acte de consécration au service de Dieu, que ce soit comme roi, comme prêtre ou comme prophète. Mais l’huile avait un sens plus large. Elle était symbole de la richesse et de la générosité de Dieu. Elle était répandue sur le corps et l’on s’en servait pour exprimer la joie, honorer un hôte, consacrer des objets ou des personnes à Dieu, et bien sûr soigner des plaies. Aujourd’hui encore l’huile peut signifier le soulagement, la beauté ou la protection.

Lorsque le Christ envoie ses disciples en mission, l’évangile de Marc dit : Ils oignaient d’huile beaucoup de malades et les guérissaient (6.13). L’épître de Jacques recommande à ses destinataires de les imiter : Quelqu’un parmi vous est-il malade ? Qu’il appelle les anciens de l’Eglise, et que ceux-ci prient pour lui en l’oignant d’huile au nom du Seigneur (5.14). Si l’huile était utilisée comme un moyen thérapeutique, dans les mains des disciples, elle prenait une autre signification, celle d’une consécration particulière du malade, en vue de la guérison. L’huile est alors un signe de la grâce de Dieu. Ce qui nous fait conclure que si l’onction n’est pas un sacrement, elle peut être un acte à résonance sacramentelle.

L’Eglise Romaine a connu ces dernières décennies une évolution sur la pratique de ce sacrement qui est passé de « l’extrême onction » qui avait pour objet de fortifier les malades pour les préparer à un heureux passage dans l’au-delà, à « l’onction des malades ». Dans son rituel la demande de guérison se fait sur l’huile : Envoie sur cette huile ton esprit qui sanctifie. Qu’elle devienne par ta bénédiction l’Huile sainte que nous recevons de toi. Qu’elle serve à l’Onction des malades qui va être donnée maintenant à notre frère (à notre s¦ur...) pour soulager son corps, son âme et son esprit, de toute souffrance et maladie, de tout mal physique, moral et spirituel au nom de Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur. Après l’onction plusieurs prières sont proposées selon les situations : pour demander l’espérance, pour demander le réconfort, pour demander la guérison, pour une personne âgée, pour quelqu’un qui est en grand péril.

Si nous cherchons un signe spécifique pour manifester la compassion du Christ pour ceux qui souffrent, l’onction nous semble une piste qui mériterait d’être approfondie. La réticence vient de son manque d’enracinement dans notre tradition ecclésiale. Georges Crespy, dans son rapport sur l’Eglise et les malades écrit : Comme nous n’avons pas coutume de consacrer par onction nos ministres, la réservation de cette pratique aux malades pourrait paraître accorder à la maladie une signification sacrale qu’elle n’a pas.

4- Les expériences autour de nous

Lorsque j’ai interrogé François Rochat, président de la commission Eglise et Santé de la Fédération Protestante, sur cette question des signes, il m’a dit l’intérêt de la commission pour cette réflexion, mais aussi son manque d’informations sur les initiatives locales dans ce domaine. Dans l’E.R.F., je n’ai eu connaissance que de deux expériences. J’ajouterai quelques lignes sur ce qui se passe chez nos frères suisses.

E.R.F. Paris-Luxembourg

Une fois toutes les trois semaines, à l’issue du culte, le pasteur et une diaconesse reçoivent en entretiens individuels ceux qui souhaitent demander la prière de l’Eglise sur une question particulière. A l’issue de l’entretien, quelques conseillers presbytéraux qui sont disponibles pour cela se joignent au pasteur, ou à la soeur, pour une prière accompagnée d’une imposition des mains.

La présence de conseillers manifeste que c’est la prière de l’Eglise qui est partagée, et non celle d’un ministre spécialisé. Le moment après le culte inscrit la prière dans la suite de ce qui a été vécu et proclamé.

E.R.F. Epinal

Après chaque culte deux personnes, indiquées sur la feuille de culte, sont disponibles pour un entretien personnel, et un temps de prière pour ceux qui portent des problèmes particuliers. Sans parler d’une imposition des mains très formelles, elles ont l’habitude de poser la main sur l’épaule de celui avec qui elles prient. Le pasteur reçoit parfois une demande d’onction de la part de malades, il y répond avec deux ou trois conseillers.

L’Eglise prépare pour le mois de mars un culte pour les chargés et fatigués qu’elle appellera : Culte de paix.

Renouveau et guérison dans l’Eglise à Genève

Dès les années 50, à l’initiative du pasteur Bernard Martin qui a écrit un livre intitulé : « Le ministère de guérison dans l’Eglise », des cultes d’intercession pour les malades sont organisés.

Ces dernières années, sous l’influence du théologien Walter Hollenweger, ont été organisés dans le canton de Neuchâtel des « cultes de bénédiction », et dans le canton de Vaud des « cultes pour fatigués et chargés ». A Genève, le mouvement créé par Bernard Martin a pris un nouvel essor sous l’appellation Renouveau et guérison dans l’Eglise. Une vingtaine de ministres de l’Eglise Nationale Protestante de Genève président à tour de rôle un culte mensuel, le dimanche après midi dans la chapelle d’une paroisse. Le culte est célébré selon la liturgie habituelle, et après la sainte cène, l’imposition des mains, ou l’onction d’huile, sont proposées à ceux qui le souhaitent.

Le mouvement souhaite que ces cultes de prière pour les malades et les personnes souffrantes s’étendent, et aujourd’hui une dizaine de paroisses organisent de tels cultes deux ou trois fois par an.

5- Remarques conclusives, personnelles et subjectives

1- Sur ces dernières décennies, notre Eglise Réformée, a connu une évolution qui va dans le sens d’une plus grande place accordée aux sacrements et aux signes : partage de la cène de plus en plus fréquent et tous les dimanches dans certaines églises locales, présence de croix, bougies, bouquets de fleurs, couronnes de l’avent, voire d’icônes dans des lieux de prière, recherche esthétique dans l’aménagement des lieux de culte...

Comment considérons-nous cette évolution ? Comme une perte de notre identité réformée, ou comme un enrichissement sous l’influence des autres Eglises avec lesquelles nous sommes en dialogue ? Selon la réponse que nous apportons à cette dernière question, nous serons plus ou moins sensibles à la présence de signes, à côté de la parole, pour dire la compassion du Christ.

2- Sur le rapport entre la maladie et le besoin de signe, je ne peux que recopier ce que disait Georges Crespy, il y a presque 40 ans, dans un rapport synodal sur l’Eglise et les malades (Poitiers 1958) : « Il est des situations où un geste dit fortement la parole de Dieu (même s’il la dit confusément aux yeux d’un théologien exigeant... et en bonne santé), et parmi ces situations, tout spécialement la maladie. Dieu peut dire par des mains posées sur la tête d’un malade au moins autant que par un chapelet de versets bibliques plus ou moins appropriés. Et c’est très exactement dans la mesure où nous sommes pauvres en tels gestes, que lorsque nous les produisons, ils prennent ou risquent de prendre un caractère quasi-magique ».

3- Nous sommes dans un monde où la prière de guérison est à la mode, dans l’Eglise et à côté de l’Eglise. On voit se développer des groupes de prières pour les malades en dehors d’une référence centrale à l’évangile (dans des mouvements style Maggy Lebrun, et dans la mouvance New Age). Selon notre théologie ou notre tempérament, nous appliquerons à ces mouvements la sentence de l’évangile de Marc : « Celui qui n’est pas contre nous est pour nous » (9.40), ou celle l’évangile de Matthieu : « Qui n’est pas avec moi est contre moi » (12,30).

Je soupçonne que c’est dans la mesure où l’Eglise a délaissé le terrain de la prière de guérison qu’elle a laissé le champ libre à ces groupes : « La foi qui se heurte à une porte fermée grimpe par la fenêtre sous forme de superstition. Chassez Dieu, et vous donnez libre accès aux fantômes ». Ne faudrait-il pas reprendre la question pour proposer une démarche qui s’inscrive dans notre théologie réformée ?

4- Ma compréhension de l’Ecriture m’interdit d’exiger la guérison, mais m’invite à la demander. Un malade gravement atteint qui lit l’évangile ne peut pas ne pas s’interroger sur le sens des récits de guérison. Partager cette question avec lui, c’est entrer en communion avec sa recherche et son combat. Je garde le souvenir de deux cas dans lesquels j’ai demandé la guérison aux côtés d’un malade. Dans les deux cas la personne est décédée dans les mois qui ont suivi, mais dans les deux cas j’ai eu le sentiment de vivre un accompagnement pastoral riche et profond. Comme me l’a dit, un jour, un pasteur américain - dans toute la simplicité de sa théologie - : « La guérison, c’est le boulot de Dieu, et il le fait comme il l’entend. Le boulot de l’Eglise, c’est de prier pour les malades ».

Prier avec un malade est toujours une démarche de compassion. C’est la raison pour laquelle l’Église pourrait reprendre à nouveaux frais une réflexion en direction du ministère d’accompagnement des malades et de ceux qui portent un lourd fardeau, et des signes que nous pouvons poser pour manifester la présence et la compassion du Christ .

Antoine Nouis pasteur de l’Eglise Réformée à Passy Mis en forme pour internet octobre 2003

archives © www.erf-nord-normandie.net - 24 novembre 2000

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