Donnons les graines

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2008 : Donnons les graines

Dernière modification écrite le mardi 19 février 2008 par Nirina Rakotoarivony.


Certes, se bouger plus, faire du sport, ranger le grenier et la cave et lire enfin les numéros accumulés de Réforme ... relèvent des bonnes résolutions de la nouvelle année, comme arrêter de fumer, moins utiliser sa voiture, venir plus souvent au culte ... Mais les résolutions de la nouvelle année durent parfois (souvent, toujours, rayer la mention inutile) ce que durent les roses, l’espace d’un matin et j’en connais beaucoup qui y ont renoncé ... Aussi, opterais-je plutôt pour le rêve. Pour quelques rêves. Mais des rêves éveillés, de ceux qui ne disparaissent pas sitôt la sonnerie du réveil, plutôt de ceux que l’on se remémore pour qu’ils prennent consistance, mobilisent et conduisent plusieurs de s’y accrocher fermement pour en faire plus qu’un rêve : une réalité.

Alors rêvons.

Je rêve que les exercices d’entraînement au témoignage évangélique tels que les préconise le pasteur Laurent Schlumberger dans son livre « Sur le seuil, les protestants au défi du témoignage » (ed. Olivétan) s’organisent et permettent l’échange en profondeur, le balbutiement fraternel et l’audace retrouvée.

Je rêve que le mot « liberté » pour lequel tant de peuples se battent ne soit pas galvaudé, réduit à l’incivilité de fumeurs parlant de loi liberticide, de pollueurs refusant toute restriction, d’individus cachant leur égoïsme et leur irresponsabilité sous les atours des « parce que je le vaux bien », mais qu’il soit lutte contre tout ce qui asservit, dénonciation des pouvoirs de l’argent, engagement derrière Celui qui délivre de tous les enfermements.

Je rêve que les intuitions prophétiques de la Cevaa, communauté d’Eglises en mission, d’une juste relation avec le continent africain, trouvent une oreille attentive dans l’Eglise, mobilisent jeunes et moins jeunes autour de projets ambitieux, fraternels à l’intérieur desquels la différence culturelle déconstruit pour mieux reconstruire un monde au visage du Royaume.

Je rêve que ceux qui ont du travail en savourent le privilège sans s’en attribuer le mérite, que ceux qui en cherchent en trouvent, que tous sachent s’arrêter, ensemble, un même jour, pour savourer le plaisir de la vie, l’éternité d’un psaume, l’apaisement de la forêt, la caresse des vagues, le sourire des enfants, le fait de ne rien faire.

Je rêve que les étrangers ne le soient plus, parce que tout simplement nous aurions partagé leur repas, parce qu’ils auraient un nom, un prénom, celui de la fraternité, de l’accueil, non celui des quotas et des tests ADN.

Je rêve que les veufs et les veuves, les seuls, les isolés, les malades, les mourants, puissent recevoir, dans les pas de la nuit, les silences étouffants, les solitudes tenaces, les petites pépites, les petits cailloux blancs qui permettent d’avancer, de tenir, d’être soi et de sourire aux autres.

Je rêve que les temples, les églises, tous les lieux où l’on prêche l’amour soient remplis de générosité, de bienveillance, d’écoute, de projets et pourquoi pas de monde.

Je rêve que le Réveil attendu surgisse, qu’il bruisse de lectures de la Bible, de textes partagés, de cantiques chantés, de l’illumination qu’un Dieu était à l’œuvre, qu’il suffisait d’ouvrir les yeux, les oreilles et les cœurs pour en trouver la trace.

Je rêve ... c’est à chacun de continuer la liste.

Je rêve et je repense à cette petite histoire. Une personne entre en rêve dans un magasin. Au comptoir, un ange. « Que désirez-vous, lui demande-t-il ? - Que proposez-vous ? - Tout ce que vous voulez ! - Alors, je voudrais la fin des guerres, des famines, la réconciliation entre les Israéliens et les Palestiniens, entre les Américains et les Irakiens, un emploi pour tous, la fin du réchauffement climatique, ainsi que ... ». « Excusez-moi, l’interrompt l’ange, ici, nous ne vendons pas tout ce que vous désirez, nous ne faisons que donner les graines ».

Eric Trocmé, Pasteur à Caen


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